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L’Œil Végétal
12 juin 2013

#42 Le jardin magique de La Main verte

Détail Ms enluminé 1815

 

Je n’ai pas cessé de penser, durant cette saison des pluies mémorable, à L’Œil végétal plongé dans le songe noir de la nuit de l’eau, et à Nang Thorani tordant sa chevelure pour en faire jaillir les flots.

Nang Thorani est le nom donné en thaï à la personnification de la Terre. Durant la veille où Siddhârta, le futur Bouddha, est confronté aux assauts du démon Mara dans sa marche vers l’Éveil, il finit par appeler la Terre à venir témoigner pour lui. Il l’effleure des doigts de la main droite. Alors Nang Thorani paraît, défait ses longs cheveux et les tord, libérant un flot interminable qui noie jusqu’à la dernière les hordes démoniaques de Mara. Siddhârta peut reprendre le cours de sa méditation.

04-04-03, B-Ganlanba (2)

 


Qu’est-ce donc que ce flot interminable libéré par Nang Thorani ? C’est l’eau des libations versées par Siddhârta, en signe de vénération de la Terre, au cours de ses vies successives. Et comme il en a vécu 547 des vies antérieures, ça fait beaucoup d’eau. L’eau est la métaphore du cours sans faille de Siddhârta vers l’accomplissement de sa destinée d’Éveillé.
Dans les temples bouddhiques thaïs, on représente cette scène sur le mur d’entrée : au centre, le futur Bouddha appelant la Terre en l’effleurant de la main, à ses pieds, Nang Thorani tordant ses cheveux, de part et d’autre, la défaite de l’armée de Mara. Telles sont les images qui me tournaient dans la tête, en compagnie de mille pensées, tandis que je portais mon jardin pour qu’il traverse sans dommage la plus longue et sombre saison des pluies jamais vue en Quercy.


Métamorphosée en Durga de jardin, j’ai défié le froid, le vent, la pluie. Sept jours sur sept et douze heures de rang. Contre la grêle, j’ai dressé le barrage des nœuds vaudous expérimentés contre le froid l’hiver dernier. Pourquoi un pareil champ de bataille ? D’abord parce que j’avais une revanche à prendre contre les éléments. Un méchant vent d’autan m’avait ravi toutes les couleurs de l’automne au mois d’octobre. Pas question de laisser le jardin se noyer dans le déluge glacé de mai. Ensuite, parce qu’au cap du premier week-end de juin brillait la perspective des Rendez-vous aux jardins, et qu’à cette occasion, mon jardin, baptisé pour la circonstance « Un Jardin sous le ciel », serait exceptionnellement ouvert au public. Il fallait que tout soit d’autant plus à la hauteur que, lorsque je reçus les documents de présentation de la manifestation, je découvris avec stupeur que non seulement Le Jardin sous le ciel caracolait dans le peloton de tête des jardins exceptionnellement ouverts en région, mais qu’en plus sa photo faisait la une ! Je vous laisse imaginer la montée en pression...

Pas moyen de faire autrement. J’ai dû laisser L’Œil dormir, ainsi que la suite de votre feuilleton favori La malle d’Henri. Mais vous savez bien que je n’oublie ni Henri, ni Daw Aye. Vous les retrouverez bientôt, c’est promis.

13-06-06, Je ne les oublie pas

 

Le temps a filé sans demander son reste. Il n’y eut de joli mois de mai qu’une poignée de jours de soleil à peine. J’ai serré les dents. Mon téléphone portable est mort noyé au fond de ma poche d’imperméable au bout d’un après-midi de pluie ininterrompue.

13-06-06, Le temps passe (1)

13-06-06, Le temps passe (2)

 

La veille des Rendez-vous aux jardins, j’ai défait le nœud vaudou et libéré le dieu du Jardin sous le ciel. Pour le meilleur...
Et ça a marché.


Le ciel s’est apaisé dès le premier matin des Rendez-vous.
Les pivoines et les roses, qui étaient restées cachées à cause du froid, sont sorties d’un coup. Et avec ces gloires de mon jardin, tout le petit peuple a fièrement hissé les couleurs. Les nielles, les nigelles, les chardons Marie, les pensées sauvages, les compagnons blancs, les géraniums luisants, les coquelicots, les scorsonères pourpre et les salsifis pâles, tous étaient prêts.

Des visiteurs sont venus, se sont attardés, ont écouté l’histoire de mon jardin, ont laissé des commentaires délicats. Le samedi soir, j’étais déjà comblée. J’ignorais que le dimanche serait la consécration. Voui. Vous n’allez pas le croire. Mais vous pouvez en écouter la preuve ici sur le site de l’émission.

Dimanche matin à 7h45, pendant que je rectifiais quelques toilettes au sécateur avant l’ouverture aux visiteurs, M. Alain Baraton a parlé dans sa chronique La Main verte des trois jardins du peloton de tête des Rendez-vous.

Le parc de Bodelio en Bretagne

Le parc du château de la Cosse en Limousin

Et, pour la région Midi-Pyrénées, le Jardin sous le ciel.
Le jardin de L’Œil végétal consacré par le jardinier en chef du Domaine national de Trianon et du Grand parc de Versailles.

Inouï.

13-06-12, Un jardin sous le ciel

 


Est-ce la photo qu’il avait sous les yeux ? Alain Baraton a renchéri en évoquant... « un jardin magique ».
Et voici comment tout le Tarn-et-Garonne, où rares sont les jardins, des amateurs des chroniques d’Alain Baraton a sauté, qui sur sa moto, qui dans son auto, pour filer découvrir ce « jardin magique » dont personne jusqu’ici n’avait jamais parlé. Et comment il y a eu, du portail du jardin au village, au moins autant de voitures que les jours de loto. Et comment je me suis trouvée lancée en orbite autour de mon jardin, jusqu’au départ du dernier visiteur, à raconter Le Jardin sous le ciel, ajoutant à ma panoplie de Durga de jardin et de nœuds vaudous celle de derviche tourneur végétal... « Jardin magique », il a dit, M. Baraton.

Notules

Pour fêter l’événement, je mets en ligne l’album photos du Jardin sous le ciel en mai-juin, tel qu’il était lors de ces inoubliables Rendez-vous aux jardins 2013. Pour l’édition 2014, j’assortirai l’expérience d’un troc de graines et de plantes.

Parmi les illustrations, celle de Nang Thorani tordant ses cheveux provient d’un petit monastère de campagne du Xishuangbanna. J’ai confié le rôle de feuilles d’éphéméride, pour évoquer le temps qui passe, à des vitelottes germées, oubliées au fond d’un panier.

Concernant les jardins chimériques cette fois, dont il est question dans ce billet, La Botanique parallèle de Leo Lionni vient tout juste de paraître aux éditions des Grands Champs.

Du nouveau enfin du côté des activités de L’Œil végétal, avec la première édition d’un stage « Images et jardin » début mai. Un revigorant moment de partage qui sera reconduit. La carte de la petite immortelle de cette page d’éphéméride est désormais disponible dans la carterie.

13-03-07, Over the rainbowV1

 

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Commentaires
P
En cette morne saison,<br /> <br /> Où enfin le soleil, <br /> <br /> Chauffa de ses rayons<br /> <br /> Le jardin sous le ciel,<br /> <br /> La main verte nous donna,<br /> <br /> Et nous fûmes étonnés,<br /> <br /> Par leur nombre élevé, <br /> <br /> Des visiteurs sympas. <br /> <br /> Pendant ces belles heures,<br /> <br /> On vit ces visiteurs,<br /> <br /> Parcourir lentement ,<br /> <br /> Les sentiers serpentant,<br /> <br /> Entre topiaires et fleurs,<br /> <br /> Caressant leurs couleurs <br /> <br /> Et captant au hasard , <br /> <br /> Dans la lumière du soir,<br /> <br /> L'éphémère beauté <br /> <br /> Des pivoines et pensées.<br /> <br /> Ronsard je ne suis point,<br /> <br /> Pour parler du jardin,<br /> <br /> Mais des roses fugaces,<br /> <br /> ma mignonne m'a chanté ,<br /> <br /> Jusque tard en soirée,<br /> <br /> les parfums et la grace..
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