#153 La mesure du temps
Les jours ont cessé de raccourcir. C’est quelque chose qui aide immanquablement à revivre, comme une petite cuillerée de lumière de plus ; ou, plus noblement, comme le soulèvement d’une dalle, imperceptible.
C’est aussi comme si l’on s’élevait au cours de sa marche, pour voir un peu plus loin devant soi.
Philippe Jaccottet, Ce peu de bruits...
Par la porte entrebâillée de l’an nouveau — bien plus joli avec son 6 à roulette tout neuf que l’an passé avec son 5 biscornu. Et bissextile avec ça. Nous aurons droit à un petit supplément d’hiver —, un lâcher de papillons précieux qu’accompagnent tous mes vœux chaleureux. Pour que 2016 soit aussi bon et beau qu’il se peut.
A bientôt pour le plaisir de partager des ciels, des saisons, des jardins.
Notule
Comme de coutume, l’image des vœux de Nouvel An est tirée des recettes du grimoire d’Henri Mouhot. Elle est plutôt simple, mais a fait, je l’avoue, l’objet de pas mal de tâtonnements. Elle comprend l’ombre fugitive d’un rameau de noisetier tortueux. C’est le flux qui l’anime. Le grand papillon est le tout petit papillon découvert au jardin ce matin-là. Un lépidoptère de même pas deux centimètres carré, beige, insignifiant, qui une fois l’image agrandie s’est révélé une créature de conte, fabuleuse, constellée d’une myriade de gouttes de rosée. Pour la circonstance des vœux, un Argus bleu lui a prêté sa livrée. Turquoise et lapis comme il se portait dans les souks de Kaboul et les hautes vallées du Pays des Neiges. Le papillon plus petit est précisément un Argus bleu.
Le diagramme carré rempli de symboles, et le rinceau fleuri qui lui sert d’escalier, sont tirés du répertoire des alpona. Les alpona sont les peintures que les villageoises du Bengale tracent au seuil de leur maison. La mousson les efface. Le peintre Abanindranath Tagore, le neveu de l’écrivain Tagore, a collectionné ces écritures fugaces. Elles comprennent des empreintes de pieds, des sentiers de fleurs et des symboles de bonheur dédiés à la déesse Lakshmi.
Il y a un peu d'un papier pelure bleu désuet qui a donné la tonalité de l'image.
Les mots ont été découpés dans une page de l’Almanach Hachette de 1901, intitulée « La mesure du temps ». D’où le titre de ce billet.