Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
L’Œil Végétal
29 novembre 2014

#113 Feuilles d’automne

 

14-11-24, Passerose (7)

A-t-on classé les feuilles mortes, cet automne ?
Hubert Haddad, Géométrie d’un rêve, Zulma, 2009

Le Vent a emporté les Choses du Nord
Et les a empilées au Sud —
Puis il a donné l’Est à l’Ouest
Et ouvrant la bouche
Fait comme s’il allait dévorer
Les Quatre Points Cardinaux
Tandis que tout se faufilait dans les coins
Derrière cette puissance terrible  —

Le Vent est retourné dans ses Appartements
Et la nature s’est risquée à sortir  —
Ses sujets se sont éparpillés pour retrouver leur place
Ses créatures ont parcouru le pays

À nouveau la fumée s’est élevée des Habitations
On a entendu du Monde dehors
Comme il est intime, une fois la Tempête passée
Le Délire de Joie de l’Oiseau  —

Emily Dickinson, Poésies complètes (1868), traduction Françoise Delphy

[..] Je comparerais ma propre pratique du blog aux écureuils, dont on dit qu’ils cachent les graines qu’ils trouvent lorsqu’ils n’ont pas faim, en espérant la retrouver pendant les périodes de disette. Ce faisant, ils aident involontairement la propagation de nombreuses espèces végétales. Mes blogs ont le même usage : j’y enfouis des idées, des souvenirs, des observations, qui risquent d’être perdues sinon. Parfois, je les retrouve. [...] Jean-Noël Lafargue

14-11-24, Passerose (6)

Je suis furieuse. La trémière parme gît comme le Dahlia Noir d’Ellroy, férocement mutilée par le vent. Éventrée, alors qu’elle commençait tout juste à déployer les éventails de sa rampe de corolles patiemment préparées. Vent d’Autan, vent méchant, qui nous assène ses cinglantes rafales depuis maintenant deux nuits. Que ne puis-je le mordre, ce vent, pour venger toutes les fleurs qu’il a fouettées, torturées, giflées ? Que ne puis-je lui retourner sa face ricanante pour l’effrayer ? Que ne puis-je le détourner, le fléchir, le ployer ? Et le voir disparaître au loin, comme un vulgaire cerf-volant, vêtu à la hâte des guenilles arrachées au jardin ?
Ce que je déteste par-dessus tout, c’est ce jardin plumé, fourbu, récuré que lègue l’Autan.
Pas la moindre bouchée, pas le plus petit lambeau de feuille aux aisselles des arbres. Le jardin est forcé de vivre l’hiver nu.

Pour ma part, je fais mienne la pratique d’écureuil de Jean-Noël Lafargue citée en exergue. Je range dans L’Œil mes lectures d’automne, après les précédentes. Un peu mieux, puisqu’assaisonnées de quelques notes.

Hubert Haddad, Géométrie d’un rêve, Zulma, 2009. Grande découverte, pur délice, méandres oniriques.
Fariba Hachtroudi, Ali Khamenei ou les larmes de Dieu, Gallimard, 2011. Je ne serais pas allée en Iran, probablement, si j’avais lu ce livre avant.
Jean-Marie Blas de Roblès, L’île du point Némo, Zulma, 2014. Débordant de bonheur littéraire, mais loin d’arriver à la cheville de l’ineffable Là où les tigres sont chez eux.
Véronique Ovaldé, La grâce des brigands, Éditions de l’Olivier, 2013. La grâce d’un ciel de mots.
Kenizé Mourad, De la part de la princesse morte, Éditions Robert Laffont, 1987. Pour faire contrepoint ottoman à mon octobre persan et soutenir le spectacle.
Patrick Deville, Viva, Seuil, 2014. Un billet pour le Mexique et la Russie, un puits d’érudition, une méthode narrative.
Ogawa Ito, Le restaurant de l’amour retrouvé, éditions Philippe Picquier, 2013. Aussi indispensable dans le tiroir de sa cuisine qu’un économe.
Tristan Egolf, Le seigneur des porcheries, Gallimard, 1998. Tellement dérangeant.
Paul Fournel, La liseuse, POL, 2012
Pierre Lemaître, Travail soigné, éditions du Masque, 2006
Régis Pluchet, L’extraordinaire voyage d’un botaniste en Perse, éditions Privat, 2014
Serge Michel, Paolo Woods, Marche sur mes yeux, Portrait de l’Iran contemporain, Grasset, 2010. Affectueux.

Ici une manière plaisante de feuilleter les billets passés de L’Œil.

14-11-24, Passerose (5)

Publicité
Publicité
Commentaires
M
une belle image que celle de l'écureuil qui fait ses provisions... une histoire d'amour.
Répondre
Z
C'est vrai que l'Autan est ravageur et tu me le ferais presque détester si je n'avais, chevillé en moi, un amour irraisonné pour ce vent qui me réchauffe, m'exalte et me donne envie de rire et de courir, toutes ailes déployées...
Répondre
M
L'automne fait mourir l'été mais chaque feuille devient une fleur; quel bonheur ! merci de nous faire partager ces moments si précieux; @
Répondre
L’Œil Végétal
  • Carnet d'inspiration, travaux en cours, propos de jardin, fabrique à images, poésie, goût du thé, compagnie des fleurs, carnets de voyages, pensées japonaises, chinoiseries, bouts de papier, pierres étranges, menues choses
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
L’Œil Végétal
Newsletter
Publicité